La décroissance : le mot divise, les idées convainquent


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Une étude internationale publiée dans The Lancet Planetary Health révèle un large soutien public aux principes de la décroissance — à condition qu’ils soient clairement expliqués.


Depuis des années, la « décroissance » est présentée comme une impasse politique. Le mot inquiète, rebute, voire effraie. Il évoque pour beaucoup le recul, la pénurie, la perte de niveau de vie. De là découle une conclusion souvent répétée : si le terme est rejeté, alors les idées le seraient aussi. Or, une récente étude scientifique démontre que ce raisonnement est faux.

En 2025, la revue The Lancet Planetary Health, référence mondiale en matière de santé et d’enjeux environnementaux, a publié une enquête approfondie sur la perception des principes de la décroissance dans des pays à hauts revenus comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Ses conclusions sont sans ambiguïté : la majorité des citoyens adhère aux idées centrales de la décroissance, même si le mot lui-même reste impopulaire.

Quand on explique, l’adhésion suit

Le contraste mis en évidence par l’étude est frappant. Interrogées sur la « décroissance » en tant que telle, de nombreuses personnes expriment des réticences. Mais lorsque l’on décrit concrètement ce que recouvre cette approche — une économie orientée vers le bien-être plutôt que vers la seule croissance du PIB, la réduction des productions inutiles ou nuisibles, le respect des limites planétaires, un souci accru de justice sociale — le soutien devient massif.

Dans certains cas, près de trois quarts des personnes interrogées approuvent ces orientations. Et ce, dans des sociétés souvent considérées comme profondément attachées au dogme de la croissance économique. La leçon est claire : ce n’est pas le contenu qui pose problème, mais l’étiquette.

Le mythe d’une alternative « invendable »

Ces résultats battent en brèche un argument politique récurrent : celui d’une opinion publique prétendument « pas prête » à envisager une sortie du modèle de croissance infinie. L’étude montre au contraire que les citoyens sont déjà largement conscients de la nécessité de changer de cap : faire face à la crise climatique, préserver les ressources, redéfinir ce que l’on entend par prospérité.

Fait notable, ce soutien ne dépend pas principalement du niveau de revenu ou du statut social. Il est davantage lié à des valeurs : la préoccupation pour l’avenir, la reconnaissance des limites écologiques, l’aspiration à une société plus équitable. Autrement dit, le terrain du changement est déjà là.

Un défi de langage, une opportunité politique

L’enseignement est essentiel pour le débat public. Si nous voulons répondre sérieusement à l’urgence climatique, à l’effondrement de la biodiversité et à l’aggravation des inégalités, il ne suffira pas d’ajuster à la marge le modèle actuel. Mais encore faut-il parler clairement, honnêtement et sans caricature.

Le terme « décroissance » n’est sans doute pas le plus séduisant. Pourtant, l’étude montre que derrière ce mot se trouvent des idées largement partagées. Le défi pour les responsables politiques, les médias et la société civile n’est donc pas de « convaincre une population réticente », mais de mieux expliquer les alternatives existantes.

Lorsque The Lancet, symbole de rigueur scientifique et de crédibilité internationale, aboutit à une telle conclusion, il devient difficile de continuer à reléguer la décroissance au rang d’utopie marginale.

Le mot divise. Les idées convainquent. Et c’est peut-être là l’essentiel.